Jacques Tourneur fut l'un des plus brillants réalisateurs de série B de son époque. Lesté le plus souvent de budgets modestes, il sut toujours en tirer parti au mieux, avec un talent, un sens visuel rare dans ce type de productions. Ayant tâté de tous les genres, du policier au western, du film d'aventure au péplum, il ne fut jamais autant inspiré que par le genre fantastique, dont il tourna quatre films devenus tous des classiques, dont son chef-d’œuvre : Cat People (La Féline) en 1942.
On sait peu de choses de l'homme, qui était d'une discrétion et d'une modestie, mais ses films parlent pour lui.
Il est le poète du clair-obscur. En effet, peu de cinéastes ont autant joué avec l'ombre et la lumière. Le noir et le blanc est son terrain de prédilection, le style de sa prose visuelle faites de suggestion, d'ellipses, de non-dits. Chez lui, pas de créatures caoutchouteuses évoluant dans des décors de carton pâte. C'est ce qui explique que, contrairement à tant d'autres, ses films peuvent encore se regarder à l'heure du numérique sans que le spectateur blasé esquisse un sourire, voir éclate de rire.
Revenons particulièrement sur Cat People, qui reste pour moi LE plus beau film fantastique que j'ai eu l'occasion de voir. Pas le plus effrayant, certes, mais le plus beau. Rappelons qu'il fut tourné pour la somme dérisoire de 130.000 dollars, qu'il en rapporta un million (ce qui en fait un des films les plus rentables de l'histoire du cinéma avec le contemporain Blair Witch) et dépassa le record d'exclusivité de Citizen Kane (rien de moins) en gardant l'affiche durant 13 semaines.
Au passage, il sauva la RKO de la faillite.
Mais ce serait faire injure à ce film que de le réduire à une série de chiffres, même si l'anecdote vaut la peine d'être mentionné.
Cat People est avant tout un poème sur la toile de nos nuits blanches, sans voir dans ce terme de "poème" un signe quelconque de prétention car le film est accessible à tous. Son histoire est simple sans être simpliste, sa réalisation, quoique constamment inventive, ne verse pas dans les artifices pédants qui se voudraient "artistiques".
Qu'on se laisse immerger dans cette atmosphère d'une noirceur et d'une sensualité comparable à la panthère qui tourne dans sa cage du zoo de Central Park, inlassablement, aussi forte et vivante que peut l'être le film encore aujourd'hui. Comme tous les chefs-d’œuvre.
FILMOGRAPHIE fantastique de Jacques Tourneur
1942 - La Féline (Cat People) (Une suite a été tournée par Robert Wise en 1944 - La malédiction des hommes-chats)
1943 - Vaudou (Walked with a zombie)
- L'homme léopard (The leopard man)
1957 - Rendez-vous avec la peur (Curse of the demon)
A noter aussi : La griffe du passé (Out of the past) de 1947, un polar à la Raymond Chandler mais qui baigne dans une atmosphère proche du fantastique et de l'onirique.