L'auteur américain Thomas Disch est décédé le 4 juillet 2008. Il se serait suicidé. Il avait 68 ans.
Né en 1940 à Des Moines (Iowa), Disch comptait parmi les écrivains de SF les plus talentueux mais aussi les plus exigeants de cette nouvelle vague du milieu des années 60 aux textes souvent subversifs et politiquement engagés (Norman Spinrad, Harlan Ellison) qui avait délaissée la science pure et dure pour une science-fiction plus tournée vers les sciences humaines.
Bien qu'américain, il avait participé à la célèbre revue anglaise New Worlds où l'on retrouvait, outre son compatriote Spinrad, des auteurs comme James Ballard, Brian Aldiss, Michael Moorcock, etc...
Thomas Disch avait une réputation d'auteur difficile auprès du public (ce qu'il était, effectivement), de par les thèmes abordés et une démarche que beaucoup considéraient comme trop "intellectualisante", bien éloignée des épopées spatiales et autres empires galactiques du sense of wonder. Disch proposait une SF spéculative dans le plein sens du terme, plus soucieuse de décortiquer les problèmes sociaux et philosophiques contemporains (société totalitaire, militarisme, cynisme des puissants, ...). Autre aspect rédhibitoire pour le public - surtout américain : un pessimisme permanent.
Toutes ses raisons expliquent que, même avec le temps, il n'a jamais eu le succès de son presque homonyme (et ami) Dick. Il faut avouer aussi que certains de ses ouvages ne sont pas toujours à la mesure de ses ambitions et que l'on entre assez difficilement dans cet univers rugueux et cérébral, bref peu aimable.
Je me souviens de deux romans de cette époque : Génocides (1965), une histoire d'invasion extraterrestre très noire où l'humanité est exterminée avec une précision méthodique et une absence total d'émotion par les envahisseurs invisibles (j'en ai parlé sur le forum d'Erwelyn) et Camp de concentration (1967) : dans une Amérique totalitaire, un contestataire est incarcéré dans une prison souterraine pour y subir une expérience visant à décupler son intelligence. Si le premier se lit sans problème malgré sa noirceur, le second m'a demandé un certain effort qui n'a pas vraiment été récompensé.
On peut aussi citer Sur les ailes du chant (1979), que je n'ai jamais lu mais dont le thème - l'ascension corporelle mystique à travers le chant, sur fond de totalitarisme (encore) - témoigne à nouveau du goût de l'auteur pour les sujets difficiles et peu usités.
Disch, peut-être conscient de ces difficultés, avait un peu bifurqué vers des romans plus accessibles, sans pour autant se départir de son ironie mordante : Le Businessman (1983), par exemple, est un roman fantastique néo-gothique bien moins ardu et même assez divertissant. De même qu'un autre roman du même genre : Le caducée maléfique (1991), paru en Presses Pocket Terreur à une époque, qui me tentait beaucoup.
Mais je conseillerai franchement ses nouvelles, en particulier Le Livre d'Or qui lui a été consacré en 1981 : quelques pépites pleine d'ironie et d'originalité, où l'on retrouve ses thèmes fétiches, mais qui ont l'avantage d'être mieux maîtrisées et plus concises.
Quoiqu'il en soit, si Thomas Dich a peu de chances d'être souvent cité parmi les auteurs préférés des lecteurs de SF, il a réussi à se faire une place à part dans le genre par ses choix ambitieux et son refus des concessions mercantiles.
R.I.P.
Bibliographie
- Génocides (1965)
- Au coeur de l'écho (1967)
- Camp de concentration (1967)
- Poussière de lune (1968) [nouvelles]
- Le Prisonnier (1969)*
- 334 (1972)
- Sur les ailes du chant (1979)
- Le livre d'or de Thomas Disch (1981)
- L'homme sans idées (1982) [nouvelles]
- Le Businessman (1983)
- Le caducée maléfique (1991)
* une (ré)adaptation en roman de la série Le Prisonnier