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Un commissaire et deux inspecteurs sont envoyés sur une base située en plein coeur d'une planète forestière très isolée pour y enquêter sur un meurtre. A première vue, il s'agirait d'une dispute entre deux partenaires homosexuels qui aurait mal tourné, l'un ayant assassiné son conjoint pour ensuite se suicider. C'est du moins la version officielle que tente d'imposer les scientifiques de la base mais le commissaire Toussaint, petit homme aussi rondouillard que bourru, n'est pas convaincu. Il faut dire que l'ambiance oppressante de cette station vivant en totale autarcie, les tensions entre ses membres et les quelques événements curieux qui y surviennent peu après n'ont rien de rassurants.
Sous son apparence aseptisée et sa courtoisie de facade, la population de la base vit sous la coupe d'une menace imprécise qui ne va pas tarder à éclater dans un déchaînement de violence, pour des motifs écologiques (empêcher les dirigeants de la Terre d'exploiter les ressources naturelles de la planète jusqu'à obtenir les fâcheux résultats que nous connaissons sur la nôtre). Pour ce faire, ces scientifiques rationnels et pacifiques de Biotope n'hésiteront pas à prendre le chemin de l'écolo-terrorisme.
Le tome 1 a un petit air de Solaris pour l'ambiance (et même de Lost) mais en moins glauque, moins hermétique et plus proche du polar nerveux (après un début tout en retenue, la fin du premier tome est assez pétaradante). L'atmosphère de cette base cernée par une végétation étouffante, les relations conflictuelles entre les personnages - y compris entre les trois policiers eux-mêmes - et les quelques éléments intriguants (le meurtre, le comportement des scientifiques, l'apparition incongrue d'un chien dans la base) ne manquent pas d''intérêt pour une histoire que l'on imaginait tout d'abord n'être qu'une banale enquête policière version SF. Ajoutons le personnage plaisant de Toussaint, flic que l'on imagine plus à l'aise dans les rues crasseuses d'une mégalopole que dans un environnement aussi "écologiquement correcte" (il l'avoue d'ailleurs lui même : la nature le rend dépressif) et qui m'a un peu rappellé le Andy Sipowicz de New York Police Blues.
Toutefois, le tome 2 prend une direction différente de ce que certains éléments du précédent pouvaient laisser présager et nous assistons alors à une lutte entre deux groupes de la base dont les méthodes divergents, même si le but reste identique : empêcher la Terre de réitérer les erreurs du passé. Quant au commissaire Toussaint, il aura beaucoup de mal à trouver sa place dans cette lutte idéologique et sanglante.
Voilà donc un scénario ambitieux et clairvoyant, bien en phase avec les préoccupations de notre époque et un constat accablant de l'homme toujours plus enclin à vouloir s'enrichir qu'à vivre en harmonie avec un écosystème.
Mais l'aspect le plus savoureux de cette BD vient plutôt du style graphique adopté, plutôt rare dans la science-fiction : un dessin dépouillé, presque enfantin, et un look très inspiré des seventies (ou fin sixties). Les policiers, tous les trois blacks, semblent sortir d'un polar du type Shaft et certains éléments de décor (les fauteuils de la base par exemple) rappelent les films de la même époque, de 2001 Odyssée de l'espace à Soleil Vert.
Ce choix atypique, tant dans le dessin que dans les références étrangement anachroniques, font tout le sel et l'originalité de Biotope et change agréablement du background prévisible de beaucoup de BD du genre space-opera ou cyberpunk. Si les planches ne rivalisent pas dans le spectaculaire avec Sillage et autres Méta-Barons (ce n'est d'ailleurs pas le but de ses auteurs), elles marquent leur différence par une lisibilité et une approche intimiste de la SF très rafraîchissante.
A découvrir (si ce n'est déjà fait).
