Cette première saison de la série
Heroes est de grande qualité. En 23 épisodes, elle nous entraîne sur les pas de personnages doués de super-pouvoirs variés et complémentaires. L'un d'eux, Hiro Nakamura, a le pouvoir de courber l'espace-temps. Et les auteurs de la série utilisent ce motif science-fictionnel comme pivot pour articuler la trame des événements au service d'une peinture narrative d'une qualité artistique et d'une richesse thématique valant vraiment le détour.
Ces pouvoirs s'inscrivent dans la thématique des mutations. Et bien des pièges sont évités.
Celui du créationnisme, notamment, laisse la place dans la série à une destinée évolutionniste à laquelle nos héros semblent ne pouvoir échapper.
Ainsi, dans le milieu de cette première saison, le personnage de Sylar, un Gabriel ange de la mort, porte la croix de la sélection naturelle darwiniste comme pendant à la viabilité, dans la durée, de telles mutations s'inscrivant dans le registre de l'évolution.
Et si le propos ne s'impose pas dans un registre idéologique, il s'agit d'un produit de l'imagination, nourri au sein de la culture SF, Comics et Manga.
Ici, la machine déterministe devient l'instrument du destin, de l'inéluctabilité, et cela avec une grisante adresse, une élégante habileté. Et dans ce monde plutôt matérialiste et cohérent, le libre-arbitre confronte les personnages à la nécessité plus que vitale d'y évoluer et de surnager en assurant leur intégrité et une loyauté assumées.
Car la destinée ne peut finalement vaincre le droit des
heroes à leurs devoirs, tout particulièrement celui de préserver les valeurs familiales, et de s'y ressourcer - pour ce qui est de cette première saison. Même aux plus sombres moments, il ne peut y avoir de plus beaux espoirs que ceux de ces personnages comme faisant somme toute partie d'une seule et même famille. La symbiose en est sublimée, métaphore d'un puzzle dont les pièces s'apparient sur le rythme du métronome programmé par Tim Kring, son créateur.
Et l'on se prend à songer à la division d'une unité pythagoricienne ( segment de phrase à peut-être oublier pour passer à la suite : ), ces
heroes unis par leurs super-pouvoirs comme s'ils n'étaient que les membres d'une seule et même entité mutante.
Nous sommes également invités à savourer quelques références, par des clins d'oeil échappant il est vrai aux plus jeunes spectateurs et tous ceux laissés à l'écart de
Star Trek, pour la citer, par le mode de diffusion des séries tv sur les chaînes de télévision hertziennes.
Hiro Nakamura, justement, est fan de
Star Trek, et le rôle de son père est interprété par George Takei, rien de moins ! Le super-pourvoir de Hiro - se déplacer dans l'espace-temps avec sa petite grimace de Peter Pan - donne beaucoup de piment à cette première saison.
Dans la même veine, le thème d'apocalypse millénariste ne se profile en arrière plan que par le jeu des références.
Spoiler - L'auteur du message a écrit:Et le dernier épisode de ce volume Un - encore une référence me semble-t-il ? - relance les aventures de nos heroes sur les pas du père de Hiro, les flots du temps, la culture Manga et le panache du Japon féodal. On peut s'attendre à en connaître les répercutions, à contre-pied, à l'occasion de la seconde saison.
On se perd à repenser de même à
Highlander, son thème de l'immortalité, et au parcours initiatique.
J'irais presque jusqu'à comparer cette série au phénomène
Matrix dans le domaine cinématographique, à sa force d'évocation, ses qualités artistiques, son jeu de références et sa richesse thématique.
Cela dit,
Heroes est peut-être bien difficile d'accès. De par son mode de diffusion comme de production - et non par sa complexité -, mode propre aux séries de téléfiction.
A mon goût, la série m'a paru un peu trop anxiogène. Sans chercher à faire de comparaison, prenons un exemple à titre d'illustration :
The land of the dead. On peut prendre plaisir à regarder une telle oeuvre durant une heure et demie, voire deux heures. Mais imaginons que cela dure 18 heures ! Cela revient à prendre la route à contresens !
Et la lisibilité, et donc l'audience de
Heroes, s'en trouve affaiblie par sa nature de série de téléfiction, son mode de production et de diffusion. Elle a les défauts de ses qualités, et n'est ainsi pas toujours plaisante ni agréable à suivre, même si elle mérite de s'investir.
D'une part, elle aurait encore moins bien fonctionné en format ciné - format ne permettant pas de développer une telle histoire avec autant de personnages et de
cross-roads - mais d'autre part elle souffre de son format en 23 épisodes feuilletonnesques et de sa diffusion hebdo en plein été. On a vite fait de décrocher : c'est mon cas, et je n'ai pu me raccrocher à la série qu'en prenant une échelle de secours, à l'encontre de mes habitudes.
TF1 a réagi semble-t-il en proposant de mettre la seconde saison en téléchargement légal, et incidemment, à la demande.