Les Nouvelles Aventures de Mic Mac Adam (Benn/Brunschwig)

pour les jeunes de 7 à 77 ans

Les Nouvelles Aventures de Mic Mac Adam (Benn/Brunschwig)

Messagepar Vorpalin » Lundi 15 Octobre 2012, 23h15

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Les Nouvelles Aventures de Mic Mac Adam

Série en 5 tomes.
Scénario : Luc Brunschwig
Dessin : André Benn
Editeur : Dargaud
Années de parution : 2001, 2002, 2004, 2006, 2007

Série initiée en 1982 par Desberg au scénario et Benn au dessin, Mic Mac Adam fut jadis une petite série fantastique pour la jeunesse pleine de charme et d'atmopshère so british qui s'installa dans les pages de la revue Spirou. Classique mais très plaisante, elle confrontait une sorte d'enquêteur écossais avec tout le folklore que l'on était en droit d'attendre de ce genre d'aventures : fantômes, sorcelleries, malédictions ancestrales et tutti quanti.
Relativement naïve étant donné le public visé, elle se démarquait pourtant déjà par un ton plus dur que d'autres séries du même genre chez Dupuis et des scènes parfois sanglantes, avant de s'interrompre en 1988 (si on excepte la sortie du hors-série Diableros en 2000).
En 2001, Benn retrouve son personnage fétiche en confiant cette fois les scénarios à Luc Brunschwig, un choix étonnant quand on sait que le talentueux scénariste du Pouvoir des Innocents et de Holmes s'illustre davantage dans le genre réaliste, avec un contenu social souvent très présent et des histoires qui se développent sur plusieurs tomes.

Pour cette reprise, Brunschwig reste donc fidèle à lui-même et opère un lifting scénaristique assez marqué.
Pour commencer, ces Nouvelles Aventures s'inscrivent dans une longue histoire à suivre en cinq volets, sur fond de Première Guerre Mondiale. Et si les deux premiers tomes, Les amants décapités et Le roi barbare, peuvent se lire comme un dyptique et reprennent quelques éléments classiques de la série d'origine (créatures surnaturelles, landes et marais battus par le vent et ciel d'orage zébré par les éclairs) tout en laissant un peu de côté le conflit mondial qui gronde sur le continent pour lui préférer une aventure "locale" et bien anglaise, les tomes suivants précipitent les protagonistes principaux en plein coeur du conflit.
La trame scénaristique de Brunschwig en vient donc à se complexifier et se densifier considérablement, autant par ses enjeux politiques que par ses nombreux rebondissements narratifs. Géographiquement aussi, le lecteur est baladé entre la France, l'Angleterre, l'Allemagne et l'Alsace sous domination prussienne où se déroulent les événements cruciaux de cette saga.
Ce contexte réaliste de guerre associé à celui, issu des contes de fées, du Petit Peuple, des dieux et de la magie, confère à ces nouvelles aventures de l'homme au kilt une plus grande originalité que la série d'origine, au fantastique plus basique, et l'apparenterait plutôt à ce que l'on appelle aujourd'hui l'urban-fantasy. S'y ajoutent des intrigues tenant de l'espionnage et l'évocation du combat mené par un groupe de révolutionnaires alsaciens tentant de mettre fin à la domination allemande sur leur territoire.
Les précoccupations sociales du scénariste sont donc bien présentes et ce dernier va même jusqu'à y intégrer un personnage français aux idées très socialo-anarchisantes, avec ce qu'un tel personnage peut charrier de réflexions sur une lutte des classes que la lutte des nations ne fait pas oublier pour autant, renvoyant dos à dos les officiers français/anglais et "boches" pour le même mépris qu'ils affichent envers le peuple et leur empressement à les envoyer au massacre.
Et même si Mic Mac Adam ne prétend pas marcher dans les tranchées d'un Tardi, la stigmatisation des horreurs et des absurdités de la Grande Guerre sont bien présentes au-delà de l'intrigue surnaturelle.

Dans toute cette matière qui alimente plus habituellement une bande dessinée plus réaliste et "mainstream", on pourrait se demander si le fantastique n'est pas un peu trop délaissé au profit des considérations historiques.
Ce n'est pas le cas. Simplement, Brunschwig intègre les éléments proprement fantastiques avec subtilité et maturité, évitant autant les clichés que les effets grandiloquents. Mais aussi un sens de l'à-propos dans le contexte choisi : ainsi chaque nation en guerre voit dans les représentants du Petit Peuple un contingent bienvenu de futurs troufions qui iront se faire trouer la peau sur le front pour la plus grande gloire des humains et leurs tendances irrémédiablement belliqueuses et leurs valeurs nationalistes pompeuses.
Ayant déjà subit la domination d'un dieu de la destruction durant mille ans dans leurs marais (voir les deux premiers tomes), les Kobbels se retrouvent ainsi à nouveau menacés dans leur liberté et sacrifiables au sein d'un conflit qui n'est pas le leur mais dont ils deviennent les acteurs involontaires à force de manigances, manipulations et trahisons de la part des humains.
De son côté, le démon Akunchor voit bien évidemment dans ce conflit généralisé insensé un terrain de jeu à la mesure de sa nature fondamentalement belliqueuse et on pourrait même le considérer comme une métaphore de la grande boucherie elle-même.
Par ailleurs, sans vouloir trop en dire, la conclusion se révèle assez amer mais d'une logique imparable : dans un contexte de guerre, il apparaît normal qu'un dieu de la destruction sorte pour ainsi dire "vainqueur" ou, du moins, affirme haut et fort sa domination "spirituelle" dans un conflit qui durera encore deux ans (l'histoire se situe en 1916). Pas de happy-end, pas de héros vainqueurs ou de réconcilation des antagonismes mais plutôt le constat (lucide et réaliste) d'une folie généralisée emmenée par les "traîneurs de sabre" et autres "mitrailleurs à bavettes (comme dirait Haddock)".
Et le destin de Mic, lui-même, paraît bien sombre.

Comme on le voit, ces Nouvelles Aventures de Mic Mac Adam sont assez éloignées de celles imaginées par Desberg et Benn qui remontent, pour les plus anciennes, à une trentaine d'années.
Et c'est assez étonnant de voir un scénariste s'approprier un personnage de BD pour la jeunesse et en faire le témoin (et parfois l'acteur) d'aventures certes divertissantes et rythmées mais qui surprennent par leur gravité, leur densité (qui alourdit parfois un peu la lecture, il faut l'avouer...), leur complexité et la porté sociale dont elles sont aussi imprégnées. Et le soin apporté aux personnages, même secondaires.
Pour un peu, on penserait plus à Corto Maltese qu'à Mic Mac Adam !
Cet étonnement provient aussi (et même en grande partie) par le dessin de Benn qui, lui, est resté dans le style humoristique "gros/long nez". Et si ce style convient bien lorsqu'il s'agit de dépeindre le petit monde des Kobbels, on se dit parfois que d'autres scènes, plus réalistes et politisées (je pense par exemple à la partie sur les révolutionnaires alsaciens), auraient sans doute parues moins "bizarres" sous le pinceau d'un dessinateur plus réaliste.
C'est finalement le choix des couleurs (souvent assez sombres, si on excepte la dominante du blanc pour les nombreuses scènes enneigées) qui tient lieu de compromis entre le scénario et le traitement graphique.

En tout cas, cette reprise d'un personnage un peu oublié et pour ainsi dire "déniaisé" (la guerre a souvent cet effet là !), s'avère une excellente suprise pour peu que l'on accepte le changement de ton.
Certains peuvent regretter le charme plus naïf des premières aventures et leur plus grande simplicité mais, au bout du compte, l'intelligence du scénario de Brunschwig fait la différence et, pour ma part, a rendu cette lecture plus agréable que les habituelles enquêtes paranormales que l'on nous sert à longueur d'années.
Pas franchement réservé aux enfants (on l'aura compris), ces Nouvelles Aventures peuvent en revanche être pleinement appréciées à leur juste valeur par un lectorat plus mature.
Bref, selon la formule consacrée : à (re)découvrir !
Drapé dans un manteau de fou rire, il écrivait des texticules sur l'abominable neige des hommes (Philippe Curval)
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