Le cycle d'Ostruce - Pona & Dubois (2007-2010)

pour les jeunes de 7 à 77 ans

Le cycle d'Ostruce - Pona & Dubois (2007-2010)

Messagepar Vorpalin » Lundi 20 Février 2012, 22h48

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Le cycle d'Ostruce - Intégrale

Scénario : Nicolas Pona
Dessin : Christophe Dubois
Année de parution des albums :
T.1 : L'héritier du dragon (2007)
T.2 : Héria (2008)
T.3 : Désillusion (2009)
T.4 : Le désespoir des Draks (2010)

Année de parution de l'Intégrale : 2011


La Révolution d'octobre 1894 fait rage dans cette Russie parallèle où la magie côtoie les progrès scientifiques de l'ère indutrielle. L'empereur Dragon a été assassiné avant même l'arrivée des troupes révolutionnaires. Tout laisse à penser qu'il aurait été exécuté par une Drak aux motivations obscures, une de ces impitoyables et invincibles guerrières qui constituent pourtant la garde personnelle de l'empereur. De plus, elle aurait emporté avec elle le dernier oeuf du Dragon, futur héritier de la dynastie et, de ce fait, représentant un enjeu politique capital dans le conflit.
Durant sa fuite, Ajjer la Drak renégate fait la rencontre de Katiana, une jeune femme capable de prédire l'avenir. Obligées de faire route ensemble par la force des événements, les deux femmes sont pousuivies autant par les armées de la Nouvelle République populaire que par le reste des troupes impérialistes tentant de reprendre le pouvoir.
Mais au-delà des secousses de l'Histoire, cette Russie-là est aussi la terre de créatures tels que les sylves, les ogres, les lamies et les Elkins. Une faune légendaire dont le destin est également attaché aux événements qui agitent le monde des hommes...

Il faudrait un jour se pencher sur les mérites (ou les désavantages) qu'il y a à lire l'intégrale d'une série plutôt qu'un tome à la fois avec, dans le cas d'une série en cours, le laps de temps assez long d'un tome par an (au mieux). Je parle bien évidemment ici d'une histoire à suivre du type feuilleton et qui ne comporte qu'un nombre restreint de volets.
Et à propos de ce cyle d'Ostruce republié en intégrale dans un format un peu plus petit que les (quatre) albums originaux, je trouve qu'on y gagne plutôt... et pas seulement du côté du porte-monnaie. Mais aussi et surtout que le contenu d'une critique s'en trouve modifié.
Car si je m'étais contenté de faire la chronique du tome 1, L'héritier du dragon, mon appréciation n'aurait certes pas été mauvaise mais aurait comporté ce sentiment de doute et d'expectative souvent propre au premier volet d'une histoire, qui ne fait qu'en introduire les éléments. Ici, par contre, je peux avoir une vue de l'ensemble. Le seul inconvénient étant qu'il n'est pas aisé de rendre compte du contenu de quatre tomes en quelques paragraphes.
Cette quadrilogie à l'ambiance très hivernale brasse allégrement divers genres de l'imaginaire tels que l'uchronie, la fantasy, le steampunk et même le fantastique gothique. La toile de fond est donc aussi riche que dépaysante, même si la série colle également assez près à une période historique propre à notre réalité, la révolution russe, mais uchronisée. Côté fantasy, nous avons droit à l'utilisation fréquente de la magie, un véritable dragon comme monarque, des créatures issues du folklore des pays de l'Est, une redoutable sabreuse dont la dextérité nous vaut de nombreux affrontements à l'arme blanche, et même une étrange figure de proue parlante qui se prend pour une déesse grecque. Côté steampunk, les amateurs devraient apprécier le dirigeable au mode de fonctionnement plutôt original qui sert de décor quasi exclusif au tome 2, la présence d'un savant fou dans la plus pure tradition officiant au sein d'un lugubre ancien sanatorium dans le tome 3, ainsi qu'un instrument décrit comme méca-magique qui préfigure le projecteur cinématographique.
Ce brassage des genres n'est pas une nouveauté et depuis plusieurs années, des romanciers comme China Miéville (Perdido Street Station) ont dû se dire "pourquoi s'en tenir à une seul genre quand on peut les amalgamer pour offrir au lecteur un cadre aux influences aussi diversifiées que possible ?".
Tout cela peut avoir, dans le pire des cas, des allures de fourre-tout mais il n'en est rien ici où leur cohabitation se fait assez naturellement, d'autant plus qu'elle obéit à un logique narrative qui voit les anciennes croyances peu à peu menacées par les progrès techniques. Et le cycle d'Ostruce de constituer donc une sorte de témoin du passage de l'un à l'autre, même si le lecteur qui ira jusqu'au bout de l'aventure constatera que le monde des légendes est loin d'avoir dit son dernier mot...

Ce background esquissé, l'histoire bénéficie d'un très bon rythme qui ne faiblit pas tout au long des quelques 160 pages de cette fresque mouvementée, qui doit à la fois à une construction scénaristique qui évite les temps morts et un sens du cadrage de la part de Dubois bien dynamique. Dessins et mise en couleurs sont par ailleurs de qualité et agréables à l'oeil sans être exceptionnel et on peut constater une évolution évidente au fil des tomes. Bref, je ne me suis pas ennuyé malgré le risque que peut toujours représenter une intégrale à ce sujet. Si le premier tome donne un peu l'impression de prendre, à un moment, des chemins de traverse qui auraient pu mener à une longue errance sans but à travers les vastes étendues de la Russie (notamment au moment d'un épisode à l'ambiance très gothique avec une veuf inconsolable prisonnier d'un démon qui n'a aucun rapport avec l'intrigue centrale), le tome 2 renoue d'emblée avec la situation de départ et nos deux héroïnes n'auront alors de cesse de se débattre dans les mailles d'un filet tendu par les deux forces politiques en opposition mais... agissant de concert pour récupérer le précieux oeuf.
Loin d'être une suite de péripéties épuisantes, les auteurs prennent tout de même le temps de caractériser les personnages et leurs relations par petites touches, sans trop s'y appesantir non plus : le duo formé par la glaciale et flegmatique drak et sa compagne nettement plus extravertie et pratiquant volontiers l'ironie fonctionne bien dans son principe de complémentarité-dualité, tout en gardant une large part de mystère (surtout dans le cas de l'impénétrable Ajjer).
Les adversaires, sans être très originaux ni particulièrement marquants, remplissent assez bien leur rôle de "méchants de séries B", entre un commisaire du peuple capable de geler sur place n'importe qui, une seconde drak tout aussi effrayante que l'héroïne et bien décidée à faire payer à sa ""soeur" sa trahison, un savant à l'allure faussement raisonnable mais en réalité véritable Mengele adepte des traitements de choc et des modifications biologiques, un ogre nettement plus finaud que ceux des contes pour enfants et une lamie (démon du folkore russe), notre duo de fugitives battant la steppe va ainsi de rencontres étranges en affrontements, de pièges tendus en échappatoires selon leurs ressources respectives et les alléas d'une situation politique plutôt chaotique comme dans toutes périodes de transition.
La conclusion, s'en vouloir en dire trop, ne m'a pas déçu et j'ai apprécié sa cruelle mais savoureuse ironie.
Un excellent divertissement.


Une planche (du tome 1) :

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Drapé dans un manteau de fou rire, il écrivait des texticules sur l'abominable neige des hommes (Philippe Curval)
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Messagepar erwelyn » Mardi 21 Février 2012, 08h33

Très belle chronique Vorpalin.
Je suis un peu mitigée sur cette série. Certes le dessin, qui par moment me rappelle à la fois Bilal et Pratt - oui-oui c'est possible - est plutôt beau et enlevé. Je me suis régalée avec les deux premiers tomes avec un plaisir particulier pour le passage en aérostat dans le deuxième avec sa proue automate. Les touches steampunk sont légères mais présentes et appréciables. Toutefois je trouve que sur les deux derniers l'histoire stagne un peu. Le troisième très fantastique ne nous apporte pas grand chose sur le personnage principal : une succession de liches et autre savant fou qui n'ont d'intérêt que l'atmosphère d'étrangeté qu'ils dégagent, mais sans plus. Pourtant il y avait sûrement de quoi développer à la fois sur l'ambivalence et la psychologie de l'héroïne, que sur son passé. Du coup on arrive vite à la fin, une fin un peu attendue, abrupte qui laisse frustré le lecteur. Est-il prévu une suite ? Je ne sais pas, mais une chose est sûre, le scénario n'est pas assez abouti.
Pour une fois un ultime volet pour rattraper les imperfections des deux derniers serait le bienvenu.
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