L'interversion

Science, fiction et veille sous le ciel étoilé des motifs & thématiques de l'imaginaire : des créatures de légende aux extraterrestres, voyage dans le temps...

L'interversion

Messagepar Cryptide » Lundi 09 Février 2009, 14h15

Par interversion, j'entends ces histoires où l'esprit d'une personne se retrouve dans le corps d'une autre (et réciproquement). Ce thème a des accointances étroites avec le thème du double : se retrouver dans le corps d'une autre personne, c'est être à la fois soi et un autre, ne plus s'appartenir complètement car l'aspect physique est aussi garant de notre identité, notre intégrité. En outre, ce sujet amène tout naturellement à celui de la duplicité, du mensonge, même s'il est rarement prémédité.
Au cinéma et dans les séries télé, ce genre d'histoire représente toujours un challenge amusant pour les acteurs qui ont l'occasion d'interpréter deux rôles et de jouer avec les caractéristiques de leur personnage attitré.

[u]Quelques exemples[:u] :

LITTERATURE

Dans l'abîme du temps, nouvelle de H.P. Lovecraft.
Une des meilleures nouvelles de Lovecraft qui, une fois n'est pas coutume, est plus proche de la SF que du fantastique : l'interversion est utilisée ici par des extra-terrestres (la Grand'Race) pour accumuler des informations sur l'histoire de l'espèce humaine en toute discrétion : l'un d'eux prendra en effet possession du corps d'un professeur d'université, ce dernier se retrouvant de son côté dans la peau de la créature vivant au sein d'une étrange cité. Sur Terre, le changement de comportement du (faux) professeur ne manque pas d'intriguer/inquiéter son entourage.

Les rois des étoiles, roman d'Edmond Hamilton (1949).
Ce classique du space opera haut en couleurs, souvent considéré comme une source d'inspiration possible pour le Star Wars de George Lucas, débute sur le changement de corps entre un petit employé new-yorkais, John Gordon, et Zarth Arn le prince d'un Empire galactique situé 200.000 ans dans le futur. Lorsqu'une guerre éclate, Gordon se retrouve bien entendu au coeur du conflit.
Le roman a été suivi d'une suite tardive, Retour aux étoiles (1967).

La machine, roman de René Belletot
Un scientifique conçoit une machine qui devrait théoriquement être capable de guérir un psychopathe de ses pulsions meurtrières par une sorte de "contamination" mentale avec un sujet "sain". Autrement dit : un peu de la bonté du scientifique devrait être transférée dans l'esprit du tueur (ce qui implique aussi qu'un peu de la psychopathie de ce dernier soit transférée dans l'esprit du savant).
Evidemment, l'expérience ne se passe pas comme prévu et c'est l'entièreté de l'esprit du criminel qui prend possession du cerveau (et donc du corps) du scientifique, et réciproquement.
Un roman basé sur une idée de SF mais qui bifurque très vite vers le thriller sanglant. Le Grand Méchant Loup, ayant pris l'apparence du savant, neutralise celui-ci et s'installe dans ses pénates familiales, en trucidant quelques personnes au passage. Efficace mais peu subtil
Le roman a connu une adaptation (médiocre) au cinéma avec Gerard Depardieu et Didier Bourdon.

Les vacances du fantôme, roman de Didier Van Cauwelaert.
D'un ton radicalement opposé au précédent, ce roman sympathique est plus proche de la comédie aigre-douce et du fantastique allégorique : un apprenti boucher d'un quartier populaire se réveille un matin dans le corps d'un avocat au train de vie autrement plus chic. Et l'avocat, lui, se réveille juste à temps pour découper ses premières entrecôtes. Dans un premier temps, la situation de l'un paraît bien plus confortable que celle de l'autre mais le reste du roman nous montre évidemment que tout est relatif. Nos deux hommes aux mondes si différents apprendront chacun des choses sur eux-mêmes qu'ils ne soupçonnaient pas à travers l'existence de l'autre.
Pas follement original, un brin prévisible dans son "message", mais certaines scènes sont amusantes (celle où l'apprenti boucher doit plaider une affaire au tribunal, entre autres).


CINEMA

Volte/Face, film de John Woo
Bien qu'il s'écarte un peu du critère de mon introduction (il n'y a pas de transfert d'esprit ici), le film mérite d'être cité.
Grâce à une opération chirurgicale qui tient encore de la SF, le flic Sean Archer (Travolta) prend l'apparence de son pire ennemi, le terroriste complètement azimuté Castor Troy (Nicholas Cage) pour dénicher une information capital sur un attentat imminent. Mais celui-ci parvient à faire de même. Un duel pétaradant et souvent inventif qui exploite bien toutes les possibilités d'une telle idée, avec une pointe d'ironie en prime : le méchant Troy se révélera un mari plus attentionné qu'un Sean Archer emmuré dans le chagrin suite au deuil de son fils et délaissant son épouse.

Dans la peau de ma mère (Freaky friday), film de Mark Waters (2003)
Une adolescente se réveille un matin dans le corps de sa mère quinquagénaire (Jamie Lee Curtis) pendant que celle-ci renoue avec la période Biactol. Pendant que l'adolescente dévalise les magasins avec la carte de crédit de maman et change radicalement de look, celle-ci se retrouve obligée de s'adapter à la vie estudiantine de sa fille avec tout le sérieux d'une femme d'âge mûr.
Quiproquos en série, situations souvent drôles jouant sur le décalage entre aspect physique et âge mental, un peu de romance et une leçon de vie pour chacune.
Une comédie sympathique et enlevée en forme de fable sur les conflits intergénérationnels.


SERIES TV

Chapeau Melon et Bottes de Cuir (saison 5)
Dans l'épisode Qui suis-je ?, deux espions de l'Est changent de corps avec nos deux Avengers Steed et Emma grâce à une machine improbable qui semble faites de deux caisses à savon et quelques tuyaux. Leur but évident : soutirer des informations auprès des services secrets ennemis.
L'intérêt principal de cet épisode - outre son esprit farfelu et so british bien connu - est de voir Patrick MacNee et Diana Rigg se comporter de manière radicalement différentes (les deux agents ennemis n'étant pas réputés pour leur élégance !) : la gentleman touch de MacNee en prend un sacré coup et la très classieuse Diana Rigg mâchonne son chewing-gum comme une bimbo décervelée. Shocking ! But so delicious !

Le Prisonnier
Dans l'épisode 13 : L'impossible pardon, Numéro 6 se retrouve dans le corps d'un inconnu qui, horreur, est loin d'avoir son charisme. De plus, c'est l'épisode le plus médiocre de la série. Impardonnable, en effet. Démission !

Code Quantum
Une série qui se sert de l'interversion (encore est-ce une conséquence imprévue de l'expérience) comme un moyen original de voyager dans le temps. Sam Beckett parcourt plusieurs époques du XXiè siècle dans le corps d'une personne à chaque fois différente vivant à cette époque (et sans distinction d'âge ni même de sexe !).
Une belle idée qui nous vaut nombre de situations cocasses.

X-Files (saison 6)
Dans l'épisode en deux parties Zone 51, Mulder subit lui aussi une interversion avec un certain Maurice, un homme travaillant dans la fameuse Zone 51 et rencontré sur une route alors qu'une mystérieuse lumière les entourent. L'occasion de voir, entre autres choses, Duchovny (qui n'est pas Mulder mais Maurice, vous suivez ?) se lancer dans un grand numéro narcissique en se trémoussant devant un miroir tel un Chippendale. Et une telle scène ne se voit pas tous les jours !
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Messagepar john.koenig » Lundi 09 Février 2009, 19h06

Dans les comics aussi on trouve pas mal d'interversion :wink:
Combien de fois à ton vu les héros de DC ou Marvel dans le corps de leurs ennemis ? J'ai pas toutes les références en tête mais je sais qu'il y en a pas mal :D
On m'appelle aussi "The.feud"
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Messagepar neocobalt » Mardi 10 Février 2009, 00h21

Je planchais justement sur le thème ce week-end (sur dalle de liège murale) pour un projet personnel de science-fiction. Et en lisant ces premiers messages, je me rends compte combien les thèmes de l'interversion, du double et de l'imposture sont si étroitement liés, intriqués comme s'ils pouvaient se confondre et téléporter leurs proies de l'un à l'autre.

Volte/Face est traité clairement comme si Troy et Archer s'étaient intervertis. Ils n'ont qu'interverti leurs faces, avec en plus quelques retouches accessoires pour parfaire l'illusion : cicatrices, excédent abdominal ; mais le lien extrêment serré entre leurs deux vies, entre le chasseur et sa proie - comment même savoir qui de l'un et de l'autre est le chasseur et la proie ? - fait que psychologiquement il y a interversion au point de libérer toutes les confusions possibles de cette substitution mutuelle. En cela, Face off est plutôt bien réussi en plus d'être un film d'action époustoufflant de l'un des maîtres du genre - avec son lot de gunfights carabinés - John Woo.

Code Quantum, bien sûr. Un chef-d'oeuvre du monde des séries télé - pressenti un moment pour une adaptation au cinéma - fait référence en la matière, même si l'interversion vaut surtout pour la mission à remplir par Beckett, l'intermède pour l'"autre" restant la plupart du temps très discret.
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