SF & déni de paranoïa

Science, fiction et veille sous le ciel étoilé des motifs & thématiques de l'imaginaire : des créatures de légende aux extraterrestres, voyage dans le temps...

SF & déni de paranoïa

Messagepar neocobalt » Samedi 15 Août 2009, 13h35

Etendre l'esprit spéculatif de la science-fiction au monde actuel ne semblerait plus guère politiquement correct.

Qu'un sujet problématique vienne à déplaire à son interlocuteur et sur le champ on a droit au slogan de déni : "Mais c'est de la parano !", avec toute la portée dissuasive et péjorative que cela oppose - paranoïa signifie folie en grec - ; de quoi mettre fin à une conversation, une parenthèse, un sarcasme gentillet.
Ne surtout pas évoquer d'hypothétiques risques suite aux progrès scientifiques et technologiques, sinon gare au : "Mais c'est de la parano !".
"Mais c'est (pas seulement) de la science-fiction" serait peut-être un argument, mais à quoi servirait-il de mettre de l'huile sur le feu ?

Alors, pourquoi parler des robots en dehors de la science-fiction, des intelligences artificielles, de la génétique, du clonage, des nanotechnologies, de la crise climatique, de la numérisation de l'information et du livre, du tout numérique, etc. ?
"- Il pourrait y avoir des effets indésirables, des dérives, plus de contrôle, mais aussi un risque de perte de contrôle."
"- Mais c'est de la parano !"

Jusqu'après l'âge d'or de la science-fiction, cet esprit caractéristique du genre amusait et divertissait tout en faisant travailler les méninges et l'imagination. Aujourd'hui, la réalité a rattrapé la (science) fiction, demain est déjà là et beaucoup ne veulent pas s'en soucier. Cette butée, cet essoufflement de la SF lui fait-elle perdre un lectorat grandissant, pouvant expliquer la crise qui la touche et le crépuscule qui l'enveloppe ? Car la SF n'intéresse plus guère, ne touche plus vraiment son public et ne fait tout simplement plus recette.

Qui sait, son public de fidèles se réduira peut-être bientôt à un fan-club de paranoïaques se prenant au sérieux, bataillant pour digérer leur pile de livres à lire.
Avatar de l’utilisateur
neocobalt
Webmaster
Webmaster
 
Messages: 4333
Inscription: Samedi 14 Janvier 2006, 15h29
Localisation: Paris

Messagepar Cryptide » Samedi 22 Août 2009, 18h48

C'est peut-être parce que la réalité à rattraper (en partie) la SF que les gens prennent justement cette attitude bornée, sans doute pour se protéger d'un avenir qu'ils préfèrent ne pas avoir à imaginer. Il y a là, en effet, une sorte de repli et de déni, qui peut aussi expliquer à mon avis le succès triomphal de la fantasy par rapport à la SF. La fantasy a, pour bien des gens, le mérite de proposer un contexte "autre", sans référent direct et précis avec nos préoccupations actuelles ou futures (bien qu'il existe aussi, je suppose, une fantasy qui, au-delà de son background dépaysant, n'en reste pas moins critique sur certaines dérives de notre société actuelle).

Il est vrai aussi que l'essentiel du public n'est plus aussi sensible que dans les 60's et 70's à la SF spéculative. Mais il faut aussi avouer que cette période se complaisait un peu trop dans un message toujours plus alarmiste sur l'écologie, la politique, les nouvelles technologies, jusqu'à en devenir assez lourde. Certains des romans de SF spéculative de l'époque font reculer pas mal de lecteurs aujourd'hui tant on a l'impression que ces auteurs, au premier rang desquels je mettrais John Brunner (et qui lit encore Brunner de nos jours ?), donnent le sentiment d'être des oiseaux de mauvaise augure. Certes, les auteurs de SF sont loin d'être des illuminés : la plupart d'entre eux développent des arguments valables mais tout cela sonne un peu trop à certaines oreilles comme un discours monotone et répétitif (et sinistre).

Le "problème" avec la SF (surtout spéculative), c'est qu'elle est par définition - du moins depuis les années 50 - un genre qui est souvent "en réaction contre" quelque chose, et ses romans une ribambelle de mises en garde qui tient lieu, pour certains, de lourde chaîne à porter. Quant aux lecteurs... les lecteurs de SF seraient moins un fan-club de paranos qu'un public réactif (et de réactif à réactionnaire, il n'y a pas loin dans l'esprit des gens). Trop réactif. Trop vigilant. Trop "conscientisé". En un mot : trop emmerdant.
Et les romans trop imprégnés de cet aspect spéculatif et/ou scientifique n'intéresserait donc que ces "empêcheurs de s'amuser en rond" toujours prêt à nous rappeler le trou dans la couche d'ozone. Un exemple édifiant : évoque en société le nom de Robin Hobb ou Harry Potter et tu trouveras des tas d'interlocuteurs enclins à discuter. Evoque celui de Gregory Benford ou Robert Charles Wilson et il n'y a plus personne. Idem pour le cinéma : un film aussi intelligent que Gattaca (hein ? Quoi ça ?) qui traite des dérives possibles des manipulations génétiques ne recueillera jamais les mêmes suffrages que... Transformers, exemple typique d'une science-fiction crétine qui ne parle de rien et ravit ceux qui ne veulent rien savoir.

Mais ne soyons quand même pas pessimistes : il y a encore des lecteurs pour s'intéresser à une SF spéculative. On les trouve sur des forums spécialisés comme celui-ci.
Mais attention à ne pas lasser le public en ne lui donnant comme avenir qu'une terre irradiée ou poluée, et des cités aseptisées où se pratique l'eugénisme génétique.
Car même si tout cela est pertinent, trop de spéculations peuvent nuire à cette petite insouciance du grand public qui lui fait préférer la baguette d'Harry Potter à un ADN trafiqué.
Avatar de l’utilisateur
Cryptide
Membre 100
Membre 100
 
Messages: 204
Inscription: Vendredi 11 Janvier 2008, 01h02
Localisation: Belgique


Retourner vers SF, Thema, Veille

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 9 invités